mercredi 26 octobre 2011

HOMMAGE À CHIKH ARAV BOUYEZGARENE

Le peu de chansons qu'il a à son actif (une dizaine environ) ont contribué au rayonnement de la chanson de l'exil.

Rares sont ceux qui connaissent le grand artiste d'expression kabyle Cheikh Arab Bouizegarène. Pourtant, il s'agit d'une sommité. Comme la majorité des vrais artistes, Cheikh Arab Bouizegarène a vécu loin des feux de la rampe et il est mort dans l'indifférence. Quelques-unes de ses chansons ont pu être connues du grand public grâce à Matoub Lounès qui était un un grand fan du Cheikh. Matoub Lounès a repris plusieurs refrains et des préludes de Cheikh Arab Bouizegarène à l'instar de l'air de l'istikhbar de «Arwah arwah» ou du refrain «Mimezran» et tant d'autres morceaux musicaux qui sont en réalité des chefs-d'oeuvre.
Un hommage, le premier dans l'histoire, sera rendu à Tizi Ouzou à Cheikh Arab Bouizegarène les 26 et 27 octobre prochains à l'initiative du mélomane Farid Daf. Ce sera l'occasion de revenir sur la vie de cette étoile de la chanson kabyle. Cheikh Arab Bouizegarène est né le 27 mai 1917 à Djemaâ Saharidj, relevant de la commune de Mekla. Issu d'une famille de modestes paysans et militants de la cause nationale (sa soeur Dahbia est une figure emblématique de la Révolution dans toute la région), il a beaucoup souffert, dès sa tendre enfance, de la misère qui s'était érigée dans ces régions montagneuses rudes. Son contact avec l'art s'est fait, depuis son jeune âge. Il a fait de la musique son actiovité de prédilection. À Alger, où il s' est installé pour travailler, il eut le privilège de rencontrer les maîtres de la chanson chaâbi, tel El-Hadj M'hamed El-Anka avec qui il lia une amitié profonde.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Cheikh Arab émigre en France. Cette épreuve lui fit découvrir la douleur des siens, venus en masse chercher la subsistance aux leurs laissés dans la rive Sud de la Méditerranée. Il y goûta, comme eux, l'amertume de l'exil avec son lot de déracinements, de dénis et de violences. Cette séparation forcée d'avec la terre natale et l'éloignement des êtres chers le marqueront.
La consécration artistique, il ne la connaîtra que vers les années cinquante avec son premier enregistrement. Comme tout artiste, Cheikh Arab a puisé dans le savoir des autres tout en l'adaptant à sa vision et suivant les conseils que lui prodiguaient et les conseils tirés de ses échanges avec Slimane Azem et Fatma Zohra. A mimezran, Anfas anfas, Akka iduss, Ijrah wul, A yemma fkiyi rrekba, A yemãaren n cerfa, Ceyaâtas ad yass, A yuliw ifnak sbar, sont entre autres les principales oeuvres de Cheikh Arab pour qui chanter n'est que l'expression des tourments et de la sensibilités de l'âme.

Pour lui, chanter c'est s'extérioriser. Bien que son oeuvre ne soit pas politique, le peu de chansons qu'il a à son actif (une dizaine environ) ont contribué au rayonnement de la chanson de l'exil. Autrement dit, il a été un véritable et authentique artiste. Cheikh Arab Bouizegarène est décédé le 2 avril 1988. Il est enterré au cimetière Massy à Paris. Dans son album de 1987, Matoub Lounès lui a rendu un vibrant hommage en reprenant l'une de ses plus belles mélodies.

D'AGELLID DE ABDELHAFID CHENANE : Nouveau livre sur Matoub Lounès

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Nouveau livre sur Matoub Lounès
Il s'agit d'un montage poétique constitué de soixante-dix-huit pièces, toutes dédiées au barde kabyle.
Pour rendre hommage à un grand poète, y a-t-il mieux qu'un ouvrage de poésie? Sans doute non. Abdelhafid Chenane, poète de la région d'Aït Khelili, près de Mekla, dans la wilaya de Tizi Ouzou, vient d'éditer son troisième livre. Il s'agit d'un montage poétique constitué de soixante-dix-huit pièces, toutes dédiées à Matoub Lounès, aussi bien le poète, l'artiste que le militant.

Abdelhafid Chenane a écrit D'agellid, une série de poèmes, avec ses tripes. Il lui est arrivé à plus d'une reprise d'avoir les larmes aux yeux en les composant comme il lui est arrivé également, en écoutant certaines chansons de Matoub à l'instar de la chanson fleuve Tarwa Lhif ou de l'hymne au vrai amour Nezga nesutur du zman.

Pour rédiger les soixante-dix-huit poèmes dédiés à Matoub, Abdelhafid Chenane a donné libre cours à son imagination fertile en mettant en scène des dialogues fictifs entre le Rebelle, lui, les membres de sa famille et les fanatiques auxquels le combat et les idées de Matoub n'ont jamais été du goût.

Quand on ouvre le livre, on lit d'abord, la dédicace qu'en fait Abdelhafid Chenane: à Lounès Matoub, l'artiste, le poète, le ciseleur de mots, au penseur et au critique de la société. Puis à Massinissa Guermah, lycéen. Et à tous les militants des causes justes qui ne sont plus de ce monde.

Parmi les personnes que tient à remercier Abdelhafid Chenane, on peut citer Bba Hcen Sahraoui, qui était un ami très proche de Matoub Lounès, vivant à Mekla dans la wilaya de Tizi Ouzou.
La sortie de ce nouveau livre sur Matoub Lounès a aussi bénéficié du soutien de l'Association Sidi Hend Awanu de Larbâa Nath Irathen.

Le livre de Abdelhafid Chenane a une spécificité qui le distingue des autres ouvrages publiés en Algérie dans le domaine amazigh.

L'auteur a en effet, décidé que son livre, de A à Z, soit écrit entièrement en tamazight. Aucun mot n'est transcrit en français ou en arabe. Même les dates qu'on peut trouver dans cet ouvrage sont celles du calendrier berbère, à commencer par celles de la naissance et de l'assassinat de Matoub Lounès: 2906-2948. Afin de permettre une meilleure transcription des caractères amazighs, Abdennebi Mohand Ou Ramdane a prêté main forte à Abdelhafid Chenane. C'est pourquoi, en lisant le livre de Abdelhafid Chenane, on peut apprécier avec délectation la richesse linguistique de tamazight. Mais aussi la richesse lexicale qu'emploie Abdelhafid Chenane dans ses poèmes. Une richesse lexicale qui n'est pas sans rappeler celle qu'on retrouve dans les poèmes de Matoub Lounès.

Comment Abdelhafid Chenane, qui est un autodidacte a-t-il pu faire preuve d'une maitrise si importante du lexique kabyle? Son histoire ressemble un peu à celle de Matoub Lounès.
Il s'agit, explique Abdelhafid Chenane, d'un héritage familial tout court. Abdelhafid Chenane et sa famille manient tous la langue de Jugurtha à la perfection.

«Quand on discute en famille, nos échanges sont souvent émaillés de proverbes, de citations et de mots en kabyle qui sont aujourd'hui rarement utilisés par le commun des citoyens», explique notre interlocuteur.
C'est donc à la fois un plaisir et une douleur que de lire les poèmes qu'offre Abdelhafid Chenane dans son livre D'agellid (C'est un Roi) sur Matoub Lounès. Un plaisir car on découvre à quel point la langue kabyle peut être attractive et émouvante. Mais aussi une affliction car les textes en question font rappeler des moments douloureux vécus par toute la communauté kabyle au lendemain de l'assassinat de Matoub Lounès le 25 juin 1998.

Mais le livre peut aussi constituer une sorte de thérapie et d'exutoire car en ressassant des souvenirs indélébiles, ces poèmes permettent aussi de voir éclore un certain soulagement.
A travers Matoub Lounès, Abdelhafid Chenane évoque également d'autres militants de la cause berbère à l'instar de Mouloud Mammeri qui est le deuxième pilier dans la prise de conscience collective par rapport à l'irréversibilité du fait amazigh de notre Algérie profonde.

Un peu comme Matoub Lounès dans Regard sur l'histoire d'un pays damné, Abdelhafid revisite l'histoire contemporaine de l'Algérie à travers des images poétiques variées.
Plusieurs événements importants, dont Matoub Lounès a été témoin, sont reconstitués avec une verve poétique innocente mais réelle et sincère que Abdelhafid Chenane a su transformer en livre.

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mardi 25 octobre 2011

LA KABYLIE CHEZ LA NATION HURONNE - LE 21 ET 22 OCTOBRE 2011

Le sentier de la Lecture de Wendake avec "Tafsut" et la troupe "La traversée"

Sur invitation du Centre de Développement de la Formation et de la Main d’œuvre (CDFM) huron-wendat, des membres du groupe Tafsut et de la Troupe Théâtrale "La Traversée" se sont déplacés à Wendake pour participer au sentier de la lecture et à la soirée de littérature et de poésie.
Durant l'après-midi, Karim Akouche et Hacemess ont présenté pour les étudiants des conférences culturelles, suivies de débats. 
Durant la  soirée, une rencontre regroupant plusieurs artistes wendat et kabyle a eu lieu  au sein même du Centre de la Formation : le conte Vava i nouva a été présenté. Il sera  suivi de la lecture de plusieurs poèmes des deux nations.
Des chants traditionnels kabyles ont été présentés par Zahia et Tassadit.
Des artistes wendats heureux de cet échange, ont égalelment présenté au public leur diversité culturelle.
Cette rencontre, bénéfique pour les deux nations, a été un succès et promet d'autres rencontres.
Andrée Levesque Sioui, artiste en duo avec une autre grande artiste wendat
Les élèves des écoles Wendat



Sylvain Rivard, Écrivain, poète des premières Nations

Karim Akouche et Hacemess lors d'une présentation

Elles sont trop tout simplement belles - Hommage de Ali Khadaoui aux filles de Tafsut

 
Un hommage à la troupe de danse Tafsut. La chanson et la danse amazighes de Kabylie portées haut par le groupe Tafsut
 Elles sont tout simplement magnifiques, les filles de la troupe Tafsut à Montréal, ainsi que leur monitrice coordinatrice, Tassadite Ould Hammouda.. Elles s’appellent Zahia( qui chante superbement avec la chorale) , Sonia, Liza, Sarah, Sonia,  Nadia (la québécoise) et Ourida.
Je les ai rencontrées pour la première fois en 2008, à Wendake, au Quebec, au Canada. La nostalgie de mon Moyen Atlas me prenait déjà à la gorge quand, soudain, elles entonnèrent un chant amazighe Kabyle : je frissonnai de la tête aux pieds, tellement la surprise était immense ! Mais je n’étais pas le seul à être ainsi impressionné. L’immense salle aménagée pour le spectacle était archi comble. Elle salua par de longs et chaleureux applaudissements la troupe Tafsut qui, même surprise elle aussi, demeura digne et sereine. Je reconnus là l’âme des artistes amazighes, toujours modeste et simple devant le succès.
Je ne me suis jamais attendu à retrouver ces mélodies chères à mon cœur au bout du monde ! J’en avais le souffle coupé de plaisir.
Elles étaient magnifiques dans leur superbe tenue traditionnelle Kabyle, les jeunes et belles filles de Tafsut, comme les déesses mythiques qui se baignent dans la rivière.
Je suis allé vers elles spontanément. Elles m’ont accueilli comme si on se connaissait depuis toujours. Nous nous sommes revus à Montréal, et j’avais assisté à l’une de leurs répétitions, sous le regard bienveillant de Tassadite, elles pratiquent la danse tous les samedi. Et quel bonheur de les voir répéter avec sérieux, mais aussi dans la bonne humeur,
Ce jour là, je me suis dit que la culture et la civilisation amazighes ne mourront jamais. Ces filles, cette révélation, sont les garantes –entres autres- de la continuité de la chanson et de la danse amazighe de Kabylie.
Régulièrement, le groupe Tafsut reçoit des jeunes artistes qui font aussi de la musique. Tous les artistes amazighes amateurs, musiciens et chanteurs qui arrivent à Montréal, trouvent en Tafsut soutien, orientation et souvent une publicité utile à leur carrière auprès du public.
Actuellement, une jeune fille, Imane, qui chante si bien en solo avec son frère comme claviériste, commence à se faire connaître auprès du public canadien. Ces 2 jeunes ont émergé de  Tafsut.
Les adolescentes de Tafsut viennent d’être classées 2ème au concours d'une émission "L'échelle des Talents"organisé par Canal "v" ex tqs (télévision). Félicitons-les donc et gageons que ce n’est qu’un début : ces jeunes filles ont réellement du talent et elles travaillent avec assiduité pour l’affiner.
C’est certain, elles iront loin les jeunes filles de Tafsut, pour leur propre bonheur mais aussi pour le rayonnement de l’art amazigh. Elles méritent les encouragements et le soutien de tout un chacun et de toute une chacune.
Ali Khadaoui
Source: kabyle.com 

mercredi 19 octobre 2011

TAFSUT ET LA CHORALE DES FEMMES KABYLES DE MONTRÉAL AU SALON INTERNATIONAL DU TOURISME LE 23 OCTOBRE À 13H00

LA KABYLIE CHEZ LA NATION HURONNE - LE 21 ET 22 OCTOBRE 2011

Anezar, ou le Dieu de la pluie, sur les planches - Troupe de théâtre pour enfants de l’association Tafat de Tifilkout






Il est des traditions qui ne disparaissent ni avec le temps, ni avec le changement que peuvent connaître les sociétés et les peuples.

Ainsi, elles survivent depuis la nuit des temps. Pour Anezar (Dieu de la pluie chez les Amazighs), qu’une grande légende entoure hormis le fait que cette pratique « légendaire » est toujours pratiquée, une troupe de théâtre pour enfants l’a mise en scène pour perpétuer « cette mémoire » de pratiques sociales léguées par les aïeux. Elle, c’est la troupe de théâtre pour enfants de l’Association culturelle Tafat de Tifilkout, sur les hauteurs du Djurdjura.

Anezar, cette pratique d’imploration et de prières, consiste à demander les bonnes grâces du Dieu de la pluie après chaque sécheresse. La légende raconte que, comme aumône, les autochtones sacrifient la plus belle fille de la communauté, Tislit N-wanzar, pour bénéficier des bienfaits de la pluie. Pratique païenne ? Elle est là, pratiquée des siècles durant. Aujourd’hui, elle est témoin d’une culture millénaire, pas plus… Rompue à la tradition théâtrale, ce village natal du feu Boubekeur Makhoukh, éminent metteur en scène décédé en 1998, a dores et déjà mis en scène une pièce de théâtre pour enfants intitulée Anezar.

Remis au goût du jour, le texte de la pièce est écrit par Abdelkader Ait Ali (Moutchou), responsable de l’atelier théâtral de l’Association, et traite de cette légende avec des orientations écologiques comme la sauvegarde de la nature. Le texte, expressif par ailleurs, met en contradiction des papillons, symbole de la bonne santé écologique et de l’écosystème, au monstre noir (Lwahc Averkan), qui symbolise les ténèbres et la pollution. Ce dernier prend en otage la lumière, laquelle, en revanche, s’immunise du fait de sa beauté, de son apport à la vie des fleurs et des papillons.

Avec une dizaine de petites filles du village, âgées de moins de 15 ans, la troupe a pu, grâce au travail de M. Ait Ali, faire l’équation entre une pratique ancestrale et un combat des temps moderne, l’environnement. Pour les jeunes filles de la troupe, « cette expérience nous aide même dans nos études », expliquent Céline Ben Ali et Dihia Nait Rabah. Après plusieurs représentations dans la région de Illilten, lors du Festival de montagne organisé par l’Association du village Azrou à la salle de cinéma de Aïn El Hammam et les écoles secondaires de la région, Dihia Achour-Atmane et Houria Nait Mebarek indiquent qu’elles sont plus que jamais convaincues « qu’on peut passer un message à travers le théâtre ». Pour les autres, à l’instar de Fatima Hadj Benamane, Zahra et Sabah Lhadj Mohand, et Tilelli Hadadcha, « cette pièce nous a aidées à connaître d’autres comédiennes et comédiens de la région ».

La troupe s’est illustrée brillamment lors d’une représentation organisée par l’Etoile culturelle d’Akbou. C’est une opportunité pour ces écolières de faire connaissance avec un grand nombre de troupes théâtrales de Kabylie. Ainsi, pour Iknoun Ouardia, Lhadj Mohand Hadjila et Khelidja Salah, « nous voulons que dans nos écoles, nos enseignants créent des troupes pour les élèves ». Pour le metteur en scène qui a lancé plusieurs autres projets pour la troupe, « il est nécessaire de transmettre aux enfants des valeurs universelles qu’ils finiront par défendre pour le bien de la communauté ». Un avis que partagent deux autres comédiennes, à savoir Tamazgha Hadadcha et Sara Iknoun, lesquelles estiment qu’elles peuvent « défendre l’environnement » et participer « à sa sauvegarde ».

Pour la pièce, elle sera présentée au Théâtre régional de Tizi-Ouzou incessamment. Le responsable ne compte pas baisser les bras bien que le manque de moyens handicape sérieusement son envol.

M. Mouloudj

JEAN-EL MOUHOUV AMROUCHE :Des intellectuels souhaitent sa réhabilitation



JEAN EL MOUHOUV AMROUCHE

Dimanche 02 Octobre 2011 -


Tassadit Yacine, professeur en anthropologie, a souhaité jeudi, à Alger, la réhabilitation du «nationaliste et combattant de la cause algérienne», Jean El Mouhouv Amrouche, le poète algérien marginalisé et «oublié des siens».

Dans une conférence sur le poète «déchu», donnée en marge du XVIe Sila (Salon international du livre d'Alger), Mme Yacine, soutenue par nombre d'intellectuels venus assister à la rencontre, a appelé les autorités publiques à «sortir de l'oubli» cette figure emblématique de l'identité et de la culture algériennes. Cette spécialiste du Monde berbère, enseignante-chercheur et maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess) de France, a su retracer succinctement la vie de l'intellectuel algérien «qui a servi, en tant qu'intellectuel, le mouvement national dès 1945». L'universitaire algérienne espère voir cet intellectuel-résistant réhabilité, à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance. «comme beaucoup d'autres oubliés», parmi toutes les personnalités nationales que l'histoire contemporaine algérienne n'a pas honorées.


L'oratrice qui dirige également la revue d'études berbères Awal (La parole), co-fondée en 1985 à Paris avec Mouloud Mammeri et le soutien du sociologue Pierre Bourdieu, appelle tous ceux qui souhaitent écrire l'histoire de l'Algérie sans en exclure aucun de ses enfants quelle que soit leur croyance ou obédience à appuyer la démarche qui consiste à les «sortir de l'ombre».


Jean El-Mouhouv Amrouche est né le 6 février 1906 à Ighil Ali en Kabylie en Algérie et décédé à l'âge de 56 ans, la veille de l'annonce officielle de l'indépendance de l'Algérie. Après de brillantes études secondaires, El Mouhouv Amrouche entre à l'Ecole normale de Saint-Cloud (France), avant d'embrasser l'enseignement où il est nommé professeur de Lettres françaises dans les lycées de Sousse (Tunisie). Ses premiers poèmes sont publiés en 1934 et 1937.


Pendant la Seconde Guerre, il rencontre l'écrivain français André Gide à Tunis avec qui il se lie d'amitié. Après avoir été licencié de Radio France par le Premier ministre de l'époque, alors qu'il sert d'intermédiaire entre les instances du Front de libération nationale algérien et le général de Gaulle dont il est un interlocuteur privilégié, Jean Amrouche entre à radio suisse romande où il ne cesse de porter la voix de l'Algérie indépendante. Une part de l'oeuvre du poète encore non publiée se découvre progressivement, grâce aux recherches des universitaires, révélant un poète de portée universelle.


En exprimant en français les «Chants» de sa Kabylie natale, il en fait un trésor de la poésie algérienne et universelle, a souligné Mme Yacine en conclusion de sa conférence.
Ouvert le 21 septembre dernier, le XVIe Sila se poursuit jusqu'au 1er octobre.


mardi 18 octobre 2011

AIT-MENGUELLET : A YAGU OU LA RÉVOLUTION QUI DÉVORE SES ENFANTS

A Yagu ou la Révolution qui dévore ses enfants
La Dépêche de Kabylie 17/10/2007

Les aspirations à l’émancipation et au recouvrement des libertés sont énoncés dans A yitij hader atteghlidh et Da nnubak freh.

La chanson d’Aït Mengulelet A Yagu a été éditée en 1979. Elle fait partie d’un album-éponyme qui a succédé à deux autres albums d’un destin exceptionnel : Si lxedma n luzin s axxam ( 1976 ) et Amjahed (1977). Le contexte politique de l’époque, fait de répression des libertés et de règne de la pensée unique, a fait que certaines chansons de notre poète ( à l’exemple de Amjahed ), sans qu’elles aient subi la censure en Algérie, aient été d’abord popularisées par des émission de…Radio Tanger à une année avant l’explosion d’avril 1980, Lounis nous donne les éléments de lecture de ce qui va devenir le destin particulier d’une région, d’une culture.

L’album A Yagu comprend cinq chansons lesquelles constituent un concentré de sensibilité poétique et esthétique de grande facture, une analyse historique et politique de la situation du pays et, enfin, une ébauche de perspective où les aspirations à la liberté et à la citoyenneté sont clairement exprimées.

Nous sommes en 1978. Le Président Boumediène meurt à la fin du mois de décembre. La guerre de succession a valu à la Kabylie la mise en scène de l’avion militaire, Hercule C 130, qui ‘’a déposé des armes’’ à Cap Sigli, dans la wilaya de Béjaïa. L’héritage de la période Boumediène a été très lourd non seulement en matière de déni des droits et de despotisme, mais également par les jeux malsains et dangereux auxquels se sont livrées les autorités sur le plan maghrébin. L’affaire du Sahara Occidental a éclaté en 1975, moins d’une année après le départ des Espagnols de ce territoire peu connu. Il n’y a pas lieu de discuter ici de la légitimité de la lutte des Sahraouis pour rendre effective l’indépendance de leur pays, indépendance non admise par les Marocains. Néanmoins, le degré d’implication de l’Algérie dans ce conflit a fait que des contingents entiers de soldats algériens y furent envoyés. Certains y perdront la vie, d’autres seront faits prisonniers. Même si l’affaire d’Amgala ne fait pas partie de l’historiographie officielle du pays, elle n’en marquera pas moins l’esprit et la mémoire des Algériens.

Dans l’album A Yagu, nous retrouvons l’atmosphère de la guerre des sables à travers la chanson Ardjuyi. À part les indications spatiales précises, ce conflit n’est pas situé temporellement. Mais, il est bien dit que «ceux qui gouvernent m’ont crée des ennemis» et aussi : «Ils m’ont appris que la guerre est prioritaire». Sous forme épistolaire (le soldat du contingent s’exprime dans une lettre à sa femme), Ardjuyi est un chef-d’œuvre en la matière. Outre la dénonciation d’une guerre qui ‘’ne nous regarde pas’’, le poème, conduit à la manière d’une épopée, est un véritable hymne à la paix où le lyrisme a aussi sa place. La fille du soldat, qui naîtra en son absence, sera dénommé Lahna (Paix) sur recommandation de son père posté sur le front et dont le seul souci et que la paix se rétablisse.

La chanson Amcum est un réquisitoire contre la trahison et l’effilochement des amitiés militantes. Le héros est un élément d’un groupe de militants pour la liberté que son destin offrira en hostie, alors que ses anciens amis s’en désolidarisent.

Les aspirations à l’émancipation et au recouvrement des libertés sont énoncés dans A yitij hader atteghlidh et Da nnubak freh.

Quant au titre A Yagu, il renvoie à un exilé dont la patrie subit le règne de l’arbitraire. Dans un prélude où la poésie se mêle à la méditation, il s’adresse à ses anciens amis. Il les hèle vainement. Il les retrouve dans le rêve. Il les considère comme la seule voie de secours pour chasser l’angoisse qui le hante et qui le dévore sur une terre étrangère.

Dans un rappel historique, le poète met en scène un pays innommé, mais il s’agit bien sûr de l’Algérie, où toutes les cartes sont brouillées. Ceux qui, hier, furent du côté de l’ennemi sont aux commandes. Ils ont chassé tous les autres, ceux-là même qui ‘’ont préparé la grenaille de plomb» pour l’ennemi au moment où les autres lui préparaient des ‘’agapes’’.

Mais, la génération d’alors, happée par les nécessités terre à terre d’aujourd’hui, ne se souvient plus. La mémoire de la nouvelle génération ne s’articule sur aucun relais. Il faut bien procéder à un travail de mémoire. Le héros du poème rappelle que, à la fin de cette ‘’malédiction’’ (la guerre), il finit par tomber sous la férule et la protection des anciens félons.

Gardant sa fierté et ne voulant céder à aucun clientélisme, il fait valoir l’authenticité de ses racines : ‘’ C’est du bois de chêne que je suis fait et non de l’engeance du roseau ’’. C’est alors qu’il décide de s’exiler laissant son frère aux commandes ‘’ se livrer à ses lubies ’’ (‘’ labourer et battre le blé ’’, selon le texte kabyle).

Ce sont tous les avatars de l’Algérie indépendante qui sont sériés dans ce texte d’Aït Menguellet. C’est la révolution dévoreuse de ses enfants. Exilés politiques, artistes réduits au silence, exilés de la parole libre, bref, tous ceux qui ont subi le retour de manivelle d’un combat dénaturé et perverti par les ‘’légionnaires’’ de la 25e heure et les médiocres à qui le destin a curieusement et injustement souri. Une vacuité sidérale hante le pays et un malaise indéfinissable habite les esprits.

Le poète y met une poésie d’une rare beauté faisant intervenir un élément du cosmos, la lune, que l’exilé interrogera par une série de questions. Ici, la lune est considéré comme un élément fédérateur observé par l’exilé depuis son lieu d’élection mais aussi par les amis qu’il a laissés au pays. Subitement, un autre élément de la nature survient. C’est le brouillard. L’exilé engagera un dialogue avec cette masse brumeuse. Il la questionnera sur son lieu de provenance. Le brouillard vient du pays du proscrit. Qu’a-t-il vu ?

Il a vu les amis chéris de notre infortuné proscrit. Ce dernier veut savoir si son frère tien toujours les rênes du pouvoir. Le brouillard lui répond par l’affirmative en lui faisant observer que c’est un ‘’pouvoir sans brides’’ qui ne redouterait rien ni personne à vouloir se perpétuer. L’arbitraire continue, lui apprend-t il. Même si, par intermittences, il est mis en veilleuse, il se régénère.

Voulant savoir où se destine exactement le brouillard que ramènent les vents jusqu’au lieu où se trouve le proscrit, cet élément de la nature lui annonce qu’il vient en mission, sur ordre des frères régnant sur le pays, pour voiler le soleil de l’infortune exilé !

Mordante allégorie à la situation d’arbitraire vécue par l’Algérie pendant les années 70 après une révolution sanglante mais prometteuse, A Yagu est l’un des textes d’Aït Menguellet les plus élaborés sur le plan du style, du contenu politique et revendicatif et sur le plan de la ‘’narration’’ si l’on peut se permettre ce concept appliqué à la prose.

( Publié dans ‘’ Passerelles ’’ de juillet 2007 )

La chanson d’Aït Mengulelet A Yagu a été éditée en 1979. Elle fait partie d’un album-éponyme qui a succédé à deux autres albums d’un destin exceptionnel : Si lxedma n luzin s axxam ( 1976 ) et Amjahed (1977). Le contexte politique de l’époque, fait de répression des libertés et de règne de la pensée unique, a fait que certaines chansons de notre poète ( à l’exemple de Amjahed ), sans qu’elles aient subi la censure en Algérie, aient été d’abord popularisées par des émission de…Radio Tanger à une année avant l’explosion d’avril 1980, Lounis nous donne les éléments de lecture de ce qui va devenir le destin particulier d’une région, d’une culture.

par Amar Naït Messaoud.


Mis en ligne par le webmaster le 17 octobre 2007


TAFSUT - CHANTS ET DANSES DE KABYLIE SUR UN CALENDRIER DU QUÉBEC



La Kabylie pour la première fois sur un calendrier culturel du Québec
Onglets principauxVoir(onglet actif)ÉditerSuiviVoting resultsPour la première fois dans l'Histoire du Québec, la Kabylie apparait dans un calendrier du patrimoine édité par la Société du patrimoine d'expression du Québec (SPEQ).

Une photo kabyle et l'association référente Tafsut toucheront prrès de 3500 foyers et entreprises.

Site web : calendrierdupatrimoinedemontreal.com







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lundi 17 octobre 2011

ENTREVUE AVEC LOUNIS AIT-MENGUELLET

La chanson kabyle dépend de ceux qui la font et surtout de ceux qui l’écoutent”

Le succès de son dernier opus, comme tous les autres albums depuis ses débuts, l’a propulsé davantage dans le monde magique des grands poètes. Lounis Aït Menguellet a une manière particulière de traiter les divers thèmes, sa façon de ciseler le verbe, qui le distinguent dans un monde riche et prospère. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, le barde kabyle, par excellence, évoque son dernier album, ceux qui y ont participé, la Kabylie, la culture en général, et bien d’autres sujets…

Interview réalisée par Khaled Zahem :

La Dépêche de Kabylie : Votre chanson Tawriqt Tacebhant renvoie à l’angoisse de la page blanche de tous ceux qui écrivent et composent.
Etes-vous concerné par ce malaise ?


Lounis Aït Menguellet : Non, pas du tout. J’ai abordé la chose dans son acceptation universelle, qui concerne tous ceux qui écrivent et qui sont gagnés par cette angoisse contre laquelle il leur faudra opposer une implacable lutte. Ceux-là finissent par prendre le dessus dans la majorité des cas et produisent des merveilles littéraires, artistiques, culturelles, en somme intellectuelles. Les exemples ne manquent pas. Mon observation a porté sur ce sujet et j’ai essayé à ma façon de traiter la chose, en la ramenant à ma propre réalité et expérience. C’est lorsque l’acte d’écrire, de transcrire, tarde à venir, que la feuille blanche terrorise l’auteur. Quand je ne peux pas écrire, pour une raison ou pour une autre, je cède et je reporte l’acte à de meilleures dispositions morales et psychologiques. J’ai l’habitude de laisser le temps trancher sur l’envie d’écrire, mais quand ça vient, rien ne peut lui résister et l’angoisse devient force et source d’inspiration. Pour tout vous dire, je me refuse à composer une chanson en deux temps, je m'y consacre pleinement jusqu'à finir le travail, ça vient brusquement et par miracle la chanson est faite. Mais quand ça ne vient pas, je ne m’aventure pas dans l’inconnu, l’effort est inutile, et le risque stérile.

Dans votre nouvel album, la chanson Amenugh, présente la notion de lutte dans toutes ses profondeurs ; à ce titre, comment voyez-vous le combat et quelle approche en faites vous de l’engagement, surtout dans le contexte actuel dans sa forme moderne ?

Sincèrement, quand j’ai composé cette chanson, elle n’était pas censée traiter d’un conflit ou d'une lutte en particulier, mais j’ai voulu cerner la problématique dans son ensemble. Je prétends que le conflit est né avec l'apparition de l'Humanité et finira avec sa disparition ; il accompagne l’Homme et coexiste avec lui. J'ai pris des exemples simples pour défendre cette idée. Il est évident pour moi que seul le rationnel permet d'expliquer tout ce qui relève du mystère, et partant de là, l’approche scientifique est plus mise en valeur que celle religieuse. Cela dit, je suis respectueux de toutes les religions, de toutes les croyances et confessions, comme tout être prétendument civilisé se doit de l'être, pour peu, que ces dernières ne soient pas sources de violence. Pour revenir à la chanson Amenugh, j’ai tenté d'expliquer comment et quand le conflit a commencé. J’avoue que la langue kabyle n’est pas tellement riche pour aborder ce type de questionnements, j'ai donc usé d'allégories afin d'y remédier, par exemple, comment expliquer le terme cellule en kabyle, pour dire que la vie est sortie de la mer si ce n’est d’utiliser le terme poisson comme raccourci ? L'Homme s’interroge en permanence pour donner un sens à sa vie, il se tourne alors vers Dieu pour atténuer cette angoisse de l'inconnu et apporter des réponses à ces questions, qui le taraudent et Lui confie de décider à sa place en disant “Yis-k ara lhu-gh”.
Le conflit génère-t-il du progrès ? Fait-il avancer les choses ? Je ne sais pas, mais les choses sont ainsi faites. Dans un autre registre, je me suis aussi intéressé au problème du conflit des générations. Le fils doit-il obéir aveuglément au père, comme la structure hiérarchique traditionnelle l'exige, ou bien doit-il “obéir” à son professeur qui le “somme” de s’interroger sur l’ordre donné par le père, et de se donner le droit d'accepter ou de refuser.
Un autre exemple, celui du frère aîné qui abuse de son droit d’aînesse pour s'approprier une meilleure part que les autres alors que le partage était équitable...
L’humanité fonctionne au rythme de ce genre de conflit jusqu’à l’échelle des Etats se soldant par des guerres atroces et interminables. Le conflit durera tant que des hommes vivent sur terre et s'éteindra avec la disparition du dernier homme, comme illustré dans la chanson. Ce n'est nullement du fatalisme, c'est simplement du réalisme.

La chanson Amehbul de qui, est attendu conseil et clairvoyance, où est passée la raison du sage de votre avant-dernier album Yennad wemghar, de plus, n’est-il pas un paradoxe de chercher bon sens chez un fou ?


En effet, la remarque est pertinente. Il s’agit d’une omission de ma part de n'avoir pas posé cette question au sage dans l’avant-dernier album, qui est :
“les fous sont-ils insensés ?”


Le sage répondrait que la raison peut émaner de n'importe qui, du sage comme du fou. J'ai donc pris un raccourci en m’adressant directement au fou dans Serreh iwamane adhelhoune, pour lui demander de décrire sa vision du monde. Chacun est alors libre de se demander si c'est une démarche sensée ou non. La moralité qui en découle est qu'il faut profiter de la vie et de vivre chaque jour comme étant le dernier, car on ne sait jamais quand elle prendra fin, et de ne jamais se soucier de la mort car, finalement, quand elle surviendra, on ne sera plus-là pour s'en préoccuper. Je me suis inspiré de la philosophie d'Epicure, qui enseignait à chacun d'être maître de sa vie, ce qui est en décalage avec les préceptes de nos religions qui nous enseignent, au contraire, que tout est écrit d'avance. L’essentiel dans la vision que le fou a de la vie, est de ne pas faire à autrui ce que l'on ne voudrait pas que l'on nous fasse et que liberté est donnée à chacun de vivre sa vie comme il l'entend.

Sur le plan musical, dans votre nouvel album Tawriqt, on découvre de nouvelles sonorités et l’absence de derbouka, est-ce que les paroles sont reléguées et à quoi obéit cette nouvelle façon de faire ?


Oui, il est question d’innovation du point de vue des arrangements afin de livrer au public un produit de meilleure qualité, il faut être exigeant avec soi-même avant de l'être avec les autres. C’est une nouvelle façon de faire avec l’implication de Djaffar, qui est un excellent arrangeur tout en étant quelqu'un de très attentif aux textes. Avec son don et sa subtilité musicale, il m’a proposé de mettre en valeur les textes en les enveloppant d'une belle instrumentation. Djaffar comprend et apprécie la profondeur des textes, il s’intéresse à chaque mot et couplet et se refuse à les noyer dans une effusion de sons, qui les rendraient inintelligibles. J’ai adhéré à son idée et je lui ai fait confiance, ce qui nous a déjà réussi avec le précédent album Yennad Umghar. Ceci dit, je n'aurais jamais accepté un arrangeur autre que mon fils Djaffar.

Dans votre dernier album, on trouve Lounis, vos enfants Djaffar, Tarik et Hayat, il y a un cachet familial non ? que pensez-vous ?


Effectivement, l'album s'est fait en famille. Djaffar est connu pour avoir toujours travaillé à mes côtés, que se soit lors de mes galas ou en s'occupant des arrangements. Quant à Tarik, il est intervenu dans la conception de la jaquette et du livret, ainsi que dans la traduction des textes en français. Quant aux photographies, elles sont l'œuvre de ma fille Hayat, qui a fait l’école des Beaux-Arts, et qui est artiste peintre de talent. Je suis comblé et très satisfait du résultat.

Que pense Lounis de la chanson kabyle et de son avenir ?


Je vous réponds en toute objectivité et sans vouloir arrondir les angles, que la chanson kabyle, contrairement à ce que l’on veut faire croire, se porte très bien et a devant elle un bel avenir grâce à des artistes de talent. Je pense qu'on s’alarme trop sur la situation alors que les données sont tout autre. Si on analyse le parcours de la chanson kabyle depuis les années 1960 à aujourd’hui, on constate qu'il comporte des hauts et des bas. La chanson kabyle dépend, il est vrai, de ceux qui la font mais aussi et surtout de ceux qui l'écoutent. Ces derniers ont le pouvoir de décider de sa pérennité comme de sa disparition. Ils ont le devoir de filtrer et de faire la différence entre un bon et un mauvais produit ; la sélection se fait naturellement. Depuis les années 1960 à ce jour, on a vu défiler de bons comme de mauvais chanteurs, rien n'a changé. Le talent existe, c'est l'essentiel, donc il n'y a pas de raison de s'inquiéter pour la chanson kabyle, c'est mon sentiment en tout cas.

Quels sont les moments forts et ceux faibles de votre longue et riche carrière d’artiste de renom ?




Je dois vous avouer que j’ai vécu ma carrière de manière excentrique, sans jamais programmer quoi que se soit. J’ai essayé de mener une vie, la plus simple possible, loin des complications. Mais la situation d'un artiste est toujours précaire et dépend du succès qu'il suscite. C’est très simple, quand mon art sera condamné par des gens d'un certain bon sens, par des critiques pertinentes, je pense que j’arrêterai de chanter. Sinon, les autres, je ne les écoute même pas, même si ce sont toujours ceux qui crient le plus fort. Pour vous faire une confidence, avant de faire sortir mon dernier album, il a fallu le faire passer au crible par mon entourage pour une écoute critique, ce que j'ai toujours fait. Chaque sortie d’album est un moment fort ; l’accueil chaleureux du public, sa satisfaction... Par contre, les moments faibles, ce sont les intervalles entre les sorties d’albums, quand l'inspiration n'est pas toujours au rendez-vous.

Lounis est dans la plupart des cas mal compris, du moins par la majorité qui vous prêtent avec précipitation et maladroitement des interprétations sur vos positions, vous souffrez de cela non ?



Oui, quand un homme est accusé à tort ou mal compris, c'est une source de souffrance qui ne se tarit que lorsque la vérité est rétablie. Je n'ai jamais eu, et je n'aurai sans doute jamais, aucune position politique partisane même si certains croient ou du moins me font croire que je suis partisan de ceci ou de celà, que j’agis pour tel ou tel parti. Je suis partisan du bon sens, voilà tout.

Comment Lounis fait lecture de l’état des lieux de la culture en Kabylie ?




La culture a besoin davantage de moyens, et elle n'en aura jamais assez, il faut bien le dire. Et c'est à l'échelle nationale. Là où la culture ne rayonne pas, tout est fade, sans relief, et la place est laissée à la régression. Les pouvoirs publics doivent en faire l'une de leurs priorités.
Cependant, avec de la bonne volonté, on peut réaliser de grandes choses à l'image de ce qui se passe à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, qui n’a jamais connu un tel rayonnement grâce à son directeur, M. Ould Ali El Hadi qui a beaucoup fait et continue de faire pour notre culture, c'est indéniable.

On vous a reproché sévèrement d’avoir soutenu Bouteflika, et cela vous a fait trop mal. Comment avez-vous vécu cela et qu’en est-il de la chose politique aujourd’hui ?
Je pense qu’il y a des gens qui vont très vite en (sale) besogne, en décidant de descendre en flammes des personnes qui ne le méritent pas. Il m’a été fait le reproche d’être un fervent partisan de Bouteflika, or à l’époque, j'étais invité en tant que simple citoyen parmi tant d'autres au meeting, mais apparemment on ne voyait que moi ; j'ai applaudi en même temps que les autres, je ne sais même plus pourquoi, je devais somnoler, et là encore, mes détracteurs n'ont vu que moi, ils me donnent décidément trop d'importance...
J'ai toujours défendu l'intérêt général, les libertés, dénoncé l'arbitraire et l'injustice, mais jamais de manière partisane ou politique. Ce jour-là, je devais rester au village mais d’autres considérations m'ont fait agir autrement. Je me suis dit que je ne m'étais pas battu toutes ces années pour la liberté d'expression et la démocratie pour qu’un jour j'accepte qu'on interdise à un citoyen de prendre part à un meeting, quel qu'il soit. Je ne voulais surtout pas dépendre de ces imbéciles qui sont à l'affût du moindre prétendu faux-pas. Je ne tiens pas compte de ce qu’ils pensent, les gens de bon sens savent qui je suis. Au risque de me répéter, ma démarche a été celle d’un modeste citoyen désintéressé, même si des gens sans scrupules en ont fait des gorges chaudes pour se donner de l'importance. De toute façon, la page est définitivement tournée et, ne leur déplaise, c'est une montagne qui a accouché d'une souris.

Que pense Lounis de la Kabylie et de l’Algérie de 2010, après avoir traversé des périodes noires (le terrorisme et le Printemps noir) ?




L’Histoire a retenu que la région de Kabylie a toujours été active dans toute dynamique de lutte, il suffit de revisiter l'histoire de libération nationale pour s'en rendre compte, n’est pas fer de lance qui veut. La Kabylie s’est forgée une réputation de région indomptable et révoltée. C'est une bonne chose en soi mais il y a le revers de la médaille. Elle s’est de tout temps placée au devant des dangers et a toujours payé de lourds tributs, ce qui lui a laissé de lourdes séquelles qui ne s’effaceront pas si facilement, on ne cesse de se demander si elle n’est pas prédestinée à celà. On ne doit pas accepter d’être des moutons de Panurge. En tout cas, il est temps de s’occuper de son épanouissement, de son développement.

La Dépêche de kabylie

ENTREVUE DE IDIR À LA DÉPÊCHE DE KABYLIE

A travers cet entretien, Idir (Hamid Cheriet de son vrai nom) aborde, en exclusivité avec notre reporter, divers sujets de son actualité, notamment son nouvel album en chantier. Il parle aussi de l’année de l’Algérie en France, de Alger capitale de la culture arabe, du festival panafricain auxquels il a refusé de prendre part tout en réitérant sa disponibilité pour une éventuelle tournée en Algérie. Comme il répond à d’autres questions plus intimes avec des détails croustillants, tel ce message de condoléances reçu de Bouteflika, lors du récent décès de son frère.

Entretien réalisé à Paris par Djaffar Chilab

La Dépêche de Kabylie : Avec le recul, quelle appréciation faites-vous de votre dernière oeuvre, la France des couleurs ?



Idir : Déjà, commercialement il a été disque d’Or. Sur un autre plan, il y a plusieurs associations qui ont envi de donner le nom de « La France des couleurs » à leurs collectifs. Il y en a au moins sept qui ont pris attache avec nous, et que j’ai accepté de parrainer ici en France. Elles ne sont pas basées toutes spécialement à Paris puisqu’il y en a qui activent à Marseille, une autre à Metz, en Bretagne aussi… Donc vous voyez, je dirais que le concept a pu toucher des sensibilités un peu partout à travers la France. Et je me dis alors que c’est une idée qui a fait son chemin. Mais comme je l’ai dis, je tiens à préciser que ce n’est pas là la réussite d’un disque propre à Idir, mais c’est la réussite d’un concept. Car je vais vous faire une confidence, il y a des titres que peut-être je ne ferais pas si je devais les faire seul dans un disque exclusivement à moi. Mais comme il fallait rester fidèle à l’idée que le concept voulait transmettre, alors il fallait faire l’effort et admettre que tout le monde s’exprime dans son langage et ses opinions. Par exemple, j’ai émis des réserves qu’on évoque le nom de Sarkozy. J’aurai préféré ne nommer personne. L’esprit était de donner une image positive de la France multiculture et multiraciale, et non pour descendre tel ou intel. Si j’avais admis aux jeunes d’attaquer Sarkozy, cela veut dire que ça aurait été un disque contre Sarkozy alors qu’il ne devait être ni pour ni contre. Il est ce qu’il est et libre aux uns de l’apprécier et aux autres de le rejeter ou de le critiquer… Maintenant, le constat est là, la diversité ce n’est plus un tabou, tout le monde en parle même. On s’en réjouit.

Avec le recul, vous pensez toujours qu’il n’y a pas de négatif dans l’entreprise ?

Du négatif, non. De toutes les façons, si je devais refaire quelque chose là dedans ça ne pourrait être que de ce que j’ai fait moi-même, car je ne pourrai changer l’apport de l’autre car le principe c’est d’accepter cette différence de l’un de l’autre… Je ne pourrais remettre en question ce que l’autre me dirait. Comme il m’accepte tel que je suis, à moi de l’accepter également tel qu’il est. Rien ne me choque dans la défense de la France des couleurs de manière générale, sauf peut-être certains langages, et encore, c’est la démocratie, donc libre à chacun de dire ce qu’il veut de « sa » France des couleurs.

Avez-vous conscience que vos autres admirateurs au pays en Kabylie notamment se sentent quelque peu frustrés par ce dernier produit dont ils ne se sentent pas compter, ni exister ?

C’est possible, mais les réalités d’ici sont aussi importantes, et à ne pas négliger. Et je me considère un peu loin des attentes du public d’Algérie, et la honte de me tromper m’habite car je ne vis pas les mêmes réalités qu’eux. Voilà pourquoi je considère que c’est indécent de ma part de prétendre les représenter. Cela chaque chose en son temps. Je vis en France, je suis dans une boîte de disques, et il y a eu cette occasion de monter la France des couleurs, je n’ai pas dit non, comme il y aura l’opportunité de monter mon propre CD à moi et là ça sera entre moi et mon public. C’est tout ça un artiste, il a un chemin qu’il suit, des choses l’interpellent, d’autres un peu moins. Dans la musique kabyle, je vois qu’il y a de la production, la musique est en train, je ne dirais pas d’évoluer mais de se transformer. Les arrangements deviennent de plus en plus percutants, il y a le cuivre, la guitare n’est plus dominante. C’est sûr que tout n’est pas beau, mais tôt ou tard la décantation se fera d’elle-même.

Vous le faites sans doute par modestie, mais vous ramenez votre popularité en Algérie à celle d’un artiste apprécié alors vous représentez bien plus que cela notamment pour les Kabyles…

C’est clair que quand il y a une attente il faut y répondre et à ce moment là il faut accepter une lourde responsabilité. J’en suis conscient c’est sûr, mais moi je ne me suis jamais tracé de chemin pour prévoir que cette année par exemple je fais ça, à 13h15 j’ai ça, demain je ferais cela,… franchement je me laisse aller là je trouve beaucoup d’espace, de temps pour réfléchir…

Mais il y a au moins l’album qui a été annoncé, si l’on restait dans les projections artistiques…

Certes, et c’était bien avant la France des couleurs. Mais entre-temps les chansons que j’avais préparées me paraissent quelque peu désuètes. Mais le chantier de rénovation, si j’ose dire ainsi, est en cours.

Vous pouvez nous en dire un peu plus ?

ça sera des chansons faites en kabyle.

C’est tout ?

Mais je risque de dire des choses sur lesquelles je pourrais changer d’avis, d’autres qui ne pourront peut-être se réaliser… Mais sachez qu’un duo avec Francis Cabrel est au menu.

Et vous chanterez un titre qui portera sur ?

J’ai voulu que ça soit un titre qui se penchera sur les gens du Sud. Il en est un et moi également. Le sujet traiterait sur toutes ces choses qui nous unissent, qu’on partage en dehors du beau soleil. ça portera sur bien sûr des trucs historiques, ça ne sera pas du genre, je l’aime et elle m’aime…


Et pour les autres titres ?

Eh bien il y aura des chansons quelque peu rythmées parce qu’il en faut. J’ai surtout envie de réhabiliter les rythmes de notre folklore à leurs versions originales. Comme ils en résultent des instruments du tbel et du bendir. Il y en a beaucoup qui ont été détériorés et déviés par les instruments citadins qui ont été introduits.

Donc on s’attendra à retrouver d’anciens airs du terroir ?

Pourquoi pas et in réinventer d’autres. Vous savez quand on naît et grandit dans le folklore ça ne peut que couler de sources.

Peut-on dire de ce futur album que ça sera celui par lequel passera la réhabilitation du folklore kabyle ?

Disons que ça sera un essai mais pas uniquement. Tous mes disques sont des expériences, ce sont contes, c’est du travail acoustique…

Et ça sera combien de titres ?

Douze ou treize chansons. Il y a un titre qui me tient particulièrement à cœur c’est Ur Tegadh, Ur Tayess (N’ayez peur et ne perdez espoir). C'est-à-dire que quelles que soient les difficultés que tu affrontes, il y a toujours une issue quelque part. Il y a toujours un moyen pour s’en sortir, de se libérer, il y a toujours quelqu’un pour vous quelque part…

Vous prévoyez la sortie de l’album pour quand ?

Le 29 mai à 17h45mn32s…(rire !) Franchement, je ne peux rien dire sur ce point d’autant plus que ça ne dépend pas que de moi. Il y a aussi la boîte qui me prend en charge…

Mais il y a la faisabilité de la chose. Vous comptez terminer le travail quand ? ça va être bouclé cette année ?

Sachez qu’on a bien avancé dans les arrangements et mon souhait c’est qu’il sorte le plus tôt possible. Dans ma tête, j’espère que ça se fera avant la fin de cette année 2009.

Une tournée en Algérie, c’est toujours un projet pour vous ?

Disons que c’est un vœu qui est en moi depuis 30 ans. Dans ma tête ça n’arrête pas de… tourner d’ailleurs. ça serait bien d’y aller avec quelques artistes de la France des couleurs. Même Maxime Le Forestier m’a dit je viens avec toi si tu m’emmènes.

Y a-t-il eu des touches, des indices, du répondant qui vous rendrez plus optimiste ?

Des contacts il y en a eu et ils ont été plusieurs, mais… J’ai par exemple été touché pour une éventuelle participation aux manifestations de Alger capitale de la culture arabe. Mais pour moi ce n’était ni le lieu ni l’occasion pour dire oui. Si on m’avait invité pour le même motif qui serait célébré par exemple aux Emirats, j’aurai pu y aller. A la limite, à Alger, j’aurais pu assister mais pas plus car il ne faut pas perdre de vue tout ce qui entourait cette manifestation. C’est pour ça que je disais tout à l’heure, malgré les attentes dont je suis conscient, je ne programme rien et je prends les choses comme je les conçois dans mon for intérieur avec mon éducation, mes principes, mes convictions, mais aussi avec ma tolérance pour honorer mon père, mes ancêtres et mon histoire. Je suis comme ça. Au jour d’aujourd’hui, les choses de la vie changent, les mentalités évoluent mais malheureusement pas toujours dans le bon sens, mais ce n’est pas moi qui vais me taire ou aller dans un autre sens que celui qui a toujours été le mien. J’ai été aussi sollicité pour participer au festival panafricain, kif-kif. Heureusement d’ailleurs que nous serons en tournée ailleurs.

Peut-on savoir quelle est l’origine de ces contacts ?

Ce fut par l’intermédiaire de ma boîte et ça devait être le ministère. Cela dit, il ne faut pas comprendre que je suis un opposant direct ou un chantre révolutionnaire, ce n’est pas mon problème. Ceux qui sont au pouvoir, ils valent ce qu’ils valent, et quand j’ai des choses à dire je ne m’en prive pas mais ce n’est pas une raison pour en faire des ennemis systématiques. D’ailleurs, lors de la récente mort de mon frère, Bouteflika nous a transmis ses condoléances. Et c’est un geste qu’on a apprécié à sa valeur. C’est gentil de sa part. Je le dis y a pas de soucis. ça a toujours été ma démarche quand c’est bien je le dis, quand je vois que c’est contraire à ma démarche je le dis aussi. J’ai été contre l’année de l’Algérie en France telle qu’elle avait été conçue, mais je n’ai pas appelé à la boycotter. Chacun est libre de son appréciation et de ses gestes. Me concernant, rien ne me déviera de ma trajectoire. Maintenant, à l’histoire de juger les uns et les autres.

Vous avez dit que le président vous a transmis ses condoléances ?

Oui, oui à la famille Cheriet pas à Idir en personne même si j’étais là bas quand il avait envoyé le message. C’est de la wilaya de Tizi-Ouzou qu’on nous avait appelés pour nous dire que « vous devez passer pour récupérer un fax de la présidence ». ça ma ému et touché.

Mais sinon pour les fans qui vous attendent sur scène en Algérie ? Qu’est-ce qui empêche au jour d’aujourd’hui un concert de Idir à Tizi-Ouzou par exemple ? C’est des contraintes plutôt techniques ?

En tout cas, les spectacles, tels que je les conçois, ne nécessitent pas une grosse artillerie mais le minimum tout de même. Car le public est en attente d’autre chose que ce à quoi il est habitué. Il y a des jeunes qui n’étaient même pas encore nés quand je suis parti, donc il y a chez eux une double curiosité à satisfaire. Et puis, il est hors de question, si Idir devrait y avoir en Algérie, que je donne un spectacle quelconque. Voilà, donc la balle n’est pas dans mon camp à partir du moment où je montre ma disponibilité. Oui pourquoi pas une tournée qui passerait par Béjaïa, Tizi-Ouzou, Alger, Oran s’ils sont preneurs, Annaba…, enfin là ou on serait demandé. J’ai été un peu partout dans le monde, en Angleterre, au Canada…et pourquoi je n’irai pas à Constantine ou autres. C’est juste une question de logistique, ça n’a jamais été un refus sauf lorsque je soupçonne un signe récupérateur.

Comment tu imagines ton concert à Tizi-Ouzou ?

L’envie est grande, l’appréhension l’est autant. Lors de mon récent voyage-éclair pour la mort de mon frère, j’ai eu un coup émotionnel énorme. Alors qu’est-ce que ça sera sur une scène…

Entretien réalisé par D. C.

Arezki Aït Larbi, DG des éditions Koukou : "Nous explorons de nouvelles voies éditoriales"



Arezki Aït Larbi, journaliste, a créé les éditions Koukou en 2009. Depuis, les titres se succèdent. Entre essais, roman et témoignages, ils relancent les grandes questions politiques de l'heure...

Le Matin : Les éditions Koukou sont nées dans un contexte de crise : fermeture de librairies, rétrécissement des espaces du livre. Quelle est votre stratégie éditoriale pour surmonter ces handicaps ?

Arezki Aït Larbi : A la fermeture de librairies s’ajoutent de stupides blocages administratifs, des subventions officielles octroyées sur des critères d’allégeances claniques, un circuit de distribution archaïque et une chaîne de fabrication approximative. Sur les étals des librairies qui ont survécu à la vague des pizzerias et du prêt-à-porter, le choix éditorial est très limité et la qualité esthétique du produit laisse souvent à désirer. Dans la pléthore de "maisons d’édition" gérées par des maquignons prêts à toutes les turpitudes pour capter les subventions officielles, quelques passionnés du livre tentent de tirer la profession vers le haut, malgré un environnement hostile. Comme Barzakh pour l’édition et Mauguin, l’imprimerie de Blida pour la fabrication, qui font un travail remarquable et proposent des ouvrages de qualité. Koukou-éditions, créée il y a deux ans, tente modestement de ne pas céder à la facilité. Tout en étant exigeant dans la forme, nous essayons d’explorer de nouvelles voies sur le plan éditorial.

Vos publications touchent à un domaine que peu de vos confères exploitent pour diverses raisons, censures, autocensures : donner la parole aux acteurs de faits politiques, acquis démocratiques en danger. Est-ce une volonté d’inscrire vos éditions dans les luttes démocratiques de l’heure ?

La société traverse une terrible période de régression, marquée par la montée des intolérances et le reflux des luttes démocratiques. A la faveur des années de terreur qu’on appelle pudiquement "la tragédie nationale", l’idéologie intégriste a paradoxalement gagné du terrain, même si le terrorisme a été vaincu sur le plan militaire. Résultat : le discours religieux s’est imposé dans toutes les sphères de la vie politique et sociale comme une référence incontournable.

Aussi avancé soit-il, ce processus n’est pas est irréversible. Des îlots de résistance tentent de ralentir le rouleau compresseur et d’échapper aussi bien à la normalisation policière qu’à la bigoterie religieuse qui jouent maintenant en duo. La presse comme le livre peuvent donner de la visibilité à cette résistance pour la sauvegarde des libertés. Il s’agit de susciter le débat et de briser les tabous, sur des questions fondamentales qui engagent l’avenir du vivre ensemble. Comme la bombe à retardement des "identités par décret", la marginalisation des minorités, et d’une façon générale, les violations récurrentes des libertés.

Vous avez notamment coordonné et publié Avril 80 en donnant la parole aux officiels du pouvoir, aux journalistes et aux militants de la cause. Est-ce une volonté de distanciation ou au contraire une manière de rendre sereine une période mal connue dans sa genèse ?

Si les causes qui ont engendré le soulèvement d’Avril 80 sont toujours d’actualité, le "Printemps berbère" est, trois décennies plus tard, déjà rentré dans l’histoire. Au-delà des commémorations nombrilistes et des simplifications stériles, il est temps, me semble-t-il, de rendre compte de ce mouvement dans sa complexité, d’étudier sa genèse, ses acquis mais aussi ses insuffisances et ses limites, pour en tirer des leçons. C’était, faut-il le rappeler, le premier mouvement de contestation populaire de cette ampleur depuis l’indépendance.

Solliciter le témoignage des acteurs du Mouvement dans leur diversité sociopolitique, mais aussi celui des officiels du pouvoir qui étaient en première ligne pour les combattre, m’a semblé impératif pour une approche plus complète et moins biaisée. Malgré des insuffisances qui seront partiellement comblées dans la prochaine édition de l’ouvrage, l’accueil des lecteurs et les polémiques qui l’ont entouré montrent que ce travail n’est pas inutile.

Comment a été reçu Ma vie à contre-Coran de Djemila Benhabib ? Des lecteurs auraient été déçus par le contenu assez faible par rapport au titre ?

Ceux qui attendaient un livre à la Salman Rushdie ont été, en effet, déçus. Pour d’autres, il a suscité le débat, sinon l’adhésion, même si le livre était destiné, au départ, à un public étranger. Malgré une distribution restreinte, Ma vie à contre-Coran a été un succès de librairie. Ma rencontre avec ce livre s’est faite sur Internet, en découvrant les injures déversées sur son auteur, Djemila Benhabib, traitée de tous les noms sur des sites aussi bien intégristes que d’une certaine "gauche bien pensante". La lecture du livre m’a replongé dans le drame des années 1990, avec son lot d’horreurs, de manipulations, et de trahisons, mais aussi de courage et de résistance. A l’heure d’une "réconciliation nationale" en trompe-l’œil, qui a consacré la victoire idéologique de l’intolérance et de la régression, et au moment où les criminels de tous bords se congratulent en imposant le silence à leurs victimes, ce livre sonne la mobilisation générale de ceux qui refusent de renoncer à leur liberté et d’abdiquer leur conscience.

Au nom du Peuple !, dont la première édition remonte à 1986, a fait sortir de l’oubli cet ouvrage collectif écrit à la prison de Berrouaghia par les fondateurs de la première Ligue algérienne des droits de l’Homme, des enfants de chouhada autonomes, et des militants du Printemps berbère. Quel est l’histoire du manuscrit ? Pourquoi ce livre capital a-t-il été oublié depuis sa première publication ?

Le livre retrace les épisodes du procès, en décembre 1985, de ces militants devant la sinistre Cour de sûreté de l’Etat de Médéa (dissoute en 1989). Il s’articule autour de l’arrêt de renvoi (acte d’accusation) et des déclarations des inculpés devant les juges. S’y ajoutent différents articles, prises de position et de soutien de personnalités et d’ONG de défense des droits de l’Homme. C’est à la prison de Berroughia que l’arrêt de renvoi a été traduit de l’arabe vers le français, et que la plupart des inculpés avaient rédigé leurs déclarations. Ces différents textes sortiront des cellules clandestinement, pour être publiés à Tizi-Ouzou dès la fin du procès, par Tafsut, la revue semi-clandestine du Mouvement culturel berbère. Début 1986, le livre sortira en France chez Imedyazen, la coopérative d’édition berbère. Après les événements d’octobre 1988, j’avais sollicité Laphomic, pour l’éditer à Alger, et le responsable de cette première maison d’édition privée avait donné son accord. Le Mouvement culturel berbère était déjà lézardé par les premières fissures qui aboutiront à son implosion. Le consensus entre différents groupes était rompu ; sous des prétextes fallacieux, certains réussiront à bloquer la publication du livre.

Des essais sur des périodes clé de l’histoire politique de l’Algérie contemporaine. Quel est l’objectif visé au niveau des lecteurs ?

Pour ceux qui les ont vécues, les années 1980 et 1990 c’était hier. Pour les nouvelles générations, c’est déjà la préhistoire ! Dire à un jeune qu’il y a à peine quelques années, la possession d’un alphabet en tifinagh pouvait mener en prison, ou qu’une conférence d’un célèbre écrivain sur la poésie kabyle ancienne était interdite, ou encore que la création d’une Ligue des droits de l’Homme pouvait se terminer devant la Cour de sûreté de l’Etat et passible de la peine capitale, est quelque chose d’inimaginable.

La relative ouverture démocratique qui a suivi octobre 1988 n’est pas le résultat de la bienveillance du régime, mais le fruit de luttes multiformes qui ont imposé un rapport de forces favorable aux libertés. Dans les années 1990, et à la faveur du terrorisme intégriste, le pouvoir s’est re-légitimé au nom du rétablissement de l’ordre et de la stabilité. Depuis 1999 et l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika, la politique de "réconciliation nationale" entre le pouvoir et les islamistes a mis un terme à cette "querelle de famille". Le premier deviendra le maître d’œuvre des fantasmes des seconds dans leur croisade commune contre les libertés, au nom de prétendues "valeurs civilisationnelles".

Nous sommes dans une période charnière. Pour les partisans des libertés, l’alternative est simple et tragique : résister ou se soumettre. La protection des libertés et l’avènement d’un Etat de droit exigent une vigilance permanente. Il faut connaître les épreuves du passé pour éviter de les subir de nouveau, et capitaliser les luttes pour rétablir la continuité entre les générations. Dans la confrontation idéologique entre les forces de la régression et les partisans des libertés et du progrès, le livre joue un rôle de premier plan.

A propos de Le mensonge de Dieu de Mohamed Benchicou, comment expliquez-vous le refus initial de l’ISBN ?

Il faut poser la question au directeur de la Bibliothèque nationale qui, pire qu’un refus motivé et assumé, avait bloqué l’ISBN en faisant la sourde oreille. Le service du dépôt légal m’avait informé par téléphone que ce fonctionnaire avait exigé un exemplaire du livre "avant de prendre une décision". J’ai refusé, bien entendu, de me soumettre à cette procédure aussi curieuse qu’illégale. J’ai répondu, par courrier recommandé avec accusé de réception, qu’il n’était pas dans les prérogatives du directeur de la BN, ni même du ministère de la Culture, de censurer un livre. Si pour une raison légale un livre devait être interdit, seule l’autorité judiciaire pouvait prendre une telle décision. Il a fallu que le litige déborde sur la place publique pour que le directeur de la Bibliothèque nationale finisse par entendre raison. Dans cette tentative de censure manquée, a-t-il obéi à des instructions de sa hiérarchie ? Ou est-ce un acte isolé d’un fonctionnaire zélé, qui veut devancer ce qu’il croit être le désir de l’autorité supérieure ? Je n’en sais rien. Mais la légalité a fini par reprendre ses droits, et c’est cela l’essentiel.

Quels ont été les critères de choix qui ont motivé sa publication ?

Je ne l’ai pas choisi, c’est Mohamed Benchicou qui m’a sollicité pour le publier. Après avoir lu le livre que j’ai apprécié, j’ai donné mon accord. S’y ajoute une incontestable solidarité avec un auteur "blacklisté" par les éditeurs algériens en raison de ses démêles avec les autorités. Même si je suis loin de partager certaines des prises de position de l’auteur, je ne peux accepter qu’il soit censuré en raison de ses opinions politiques

Les éditions Achab, de Ramdane Achab, militant de la cause berbère, universitaire, ont vu le jour à la même période. Elles s’investissent dans le domaine littéraire berbère et ont notamment édité un roman remarqué de Nabile Farès : Il était une fois, l’Algérie. Quelle est votre appréciation sur cette Maison d’édition ?

Ramdane Achab est un ami de longue date, qui a toujours fait un travail de fond, souvent ingrat, loin des feux de la rampe. Sur le plan éditorial, nous avons choisi deux lignes différentes, mais complémentaires. Dans certains salons du livre, il nous est arrivé de prendre un stand en commun. Avec sa maison d’édition, et malgré des moyens limités, j’espère qu’il réussira son pari de propulser la culture berbère vers l’écrit et la modernité.

Vous êtes journaliste de profession. Est-ce cela qui vous guide dans l’objectif éditorial orienté vers l’actualité politique ?

Je suis un passionné des livres. Comme lecteur, j’ai toujours partagé les livres que j’ai aimés avec des proches et des amis. Comme éditeur, j’essaie de toucher un lectorat plus large avec des sujets qui me semblent importants.

Entretien réalisé par Rachid Mokhtari

http://www.lematindz.net/news/5803-arezki-ait-larbi-dg-des-editions-koukou-nous-explorons-de-nouvelles-voies-editoriales.html

ALLI IDEFLAWEN, L’EXPRESSION A RENCONTRÉ LE CHANTEUR À ORAN

Les confidences de Ali IdheflawenLe chanteur engagé depuis les années 80, a toujours le verbe aussi facile et la critique pertinente.«Je n’ai pas arrêté de produire, je suis tout simplement au repos et c’est mon droit». Telle a été la réplique d’Ali Idheflawen aussitôt qu’on lui a posé la question sur les raisons de sa longue absence.


Le chanteur, connu pour son franc-parler ne s’est pas trop démené pour annoncer que sa nouveauté verra bien le jour dans un proche avenir sans pour autant avancer une quelconque date. «Je suis, à l’heure actuelle, en phase d’enregistrement d’un nouvel album contenant plusieurs hommages, la première chanson est un hommage au défunt compositeur Mohya, la deuxième est dédiée à Ali Laïmèche tandis que la troisième au regretté Meksa», a-t-il expliqué.


L’interprète de la célèbre chanson «Berrouaghia» (prison de la sûreté d’Etat durant les années 1980, Ndlr), a affirmé que dans son nouvel album, un vibrant hommage sera rendu au compositeur Mohya. Pourquoi donc attester autant de reconnaissance au défunt artiste, Mohya?


Ali Idheflawen n’a pas mâché ses mots en déclarant que «le défunt compositeur, avec qui j’ai longuement travaillé, figure parmi les plus grands artistes-compositeurs d’Algérie».Le même ouvrage contient un autre titre dédié à Ali Laïmèche. Là encore, le chanteur a réitéré, encore une fois, son engagement à la cause amazighe en déclarant que Ali Laïmèche est l’un des piliers importants du mouvement berbère et ce, depuis 1945.


Le prochain tube d’Idheflawen se veut être au summum des témoignages de reconnaissance vis-à-vis des chanteurs qui ont consacré leur vie à l’art et la chanson engagés. Abdelkader Meksa est de ceux qui méritent, à titre posthume, autant d’égards.


«Pour la première fois, un hommage sera rendu au défunt Abdelkader Meksa, car ce dernier a été, lui aussi, un grand combattant», a affirmé Idheflawen. Meksa a été parmi les précurseurs de la chanson amazighe en l’exportant vers d’autres cieux, notamment la France. Son nom est indissociable des célèbres contes adaptés en chansons comme «Loundja et Tafounast Igoujilen ou la vache des orphelins». Il a été assassiné dans l’Hexagone en 1987.


Même si le contexte ne s’y prêtait pas, vu qu’il était en visite familiale à Oran, le chanteur s’est livré au jeu des questions-réponses improvisé au siège de l’Association Numidia d’Oran. Explicite dans ses déclarations, le chanteur de la cause amazighe n’a laissé aucune zone d’ombre.


Ali Idheflawen, âgé de plus de 50 ans, est de cette génération de chanteurs et artistes politisés, amplement documentés et très au fait du moindre événement.Dans la brève rencontre qu’il a accordée à ses fans de la wilaya d’Oran, il est longuement revenu sur la chanson kabyle et sa place sur la scène culturelle algérienne avant de rendre un grand hommage à Takfarinas et Mohamed Allaoua pour lesquels l’artiste n’a pas tari d’éloges. «Takfarinas et Mohamed Allaoua ont amplement contribué à la protection de la chanson kabyle du déclin et de la dégringolade ajoutant que «ces deux artistes, hors pair, font dans la protection de la chanson kabyle contre l’envahissement du raï».


En retour, il a, par contre, tenu à clarifier sa position vis-à-vis de l’appellation de «chanteur engagé» qu’il a porté fièrement durant ces trois dernières décennies. Cette piste, la chanson engagée, a été ouverte et forgée par Ferhat Imazighen Imoula durant les années 1970.


«C’est la continuité», a défendu Idheflawen. La chanson engagée, qui a bouleversé le champ artistique des années 1980, a complètement disparu aujourd’hui. Cela ne nécessite pas autant de réflexion. L’engouement comportemental et éducatif a changé. En clair, la contestation des temps actuels n’est plus la même que celle des années passées.


A cela s’ajoutent les moyens de communication développés des temps modernes alors que durant les années de grandes protestations, le seul support médiatique qui existait était la télévision algérienne. «Cette télévision nous a poussés à faire ce que nous avons fait». Et d’ajouter que «contrairement à l’époque actuelle marquée par les moyens de communication de pointe, notre génération n’avait d’autre choix que de chanter et d’interpréter la chanson engagée et ce, vu que le seul support qui existait était la télévision algérienne». Outre la disparition ces dernières années, de la chanson engagée, les célèbres troupes d’antan, comme Tagrawla, Inaslyen, Agraw, Ineyen, T34 et tant d’autres ont totalement disparu de la scène culturelle actuelle.


Le chanteur n’est pas allé par trente-six chemins pour expliquer que la donne a totalement changé et que la situation présente est parsemée d’innombrables embûches ne permettant pas la création des groupes. Les groupes des années 1970 et 1980 étaient constitués par des éléments qui étaient des amis universitaires partageant les mêmes difficultés et les mêmes idéaux. La dislocation des troupes qui ont fait vibrer la scène culturelle d’antan, selon Idheflawen, a été édictée par la conjoncture sociale.«Même si nous sommes toujours en contact, chacun des membres des groupes connus s’est retrouvé, après l’université, loin de ses amis», a-t-il précisé.


Ajouter à cela la politique culturelle des pouvoirs publics qui optent pour les chanteurs des autres cieux, les Orientaux, méprisant les artistes locaux. «Comment expliquer que l’Etat invite un artiste oriental contre un budget inimaginable alors que le cachet d’un chanteur kabyle est constitué de miettes», a-t-il déploré. Ali Idheflawen ne chantera pas dans le cadre des festivités de Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011.Sans polémiquer ni animer une quelconque controverse vis-à-vis des organisateurs de l’année culturelle de Tlemcen, le chanteur dira crûment ne pas prendre part expliquant que «mes chansons ne vont pas avec le programme tracé». Mais cela ne doit en aucun cas constituer sujet de surenchère ou objet de supputations et encore moins de mauvaise lecture. «Je ne suis pas contre la religion», a-t-il précisé tout simplement.



Écrit par Wahib AÏT OUAKLI
Lundi, 16 Mai 2011

IL SORTIRA BIENTÔT : Nouvel album de Ali Ideflawen



Par Aomar MOHELLEBI - Dimanche 07 Aout 2011

Quand on dit chanson engagée, on pense inéluctablement à des artistes comme Boudjemâa Agraw, Ferhat Imazighen Imoula, Matoub Lounès et... Ali Ideflawen.


Ce dernier, en excellent interprète, a su braver la peur dans les moments difficiles et il a chanté des textes qui faisaient peur. On peut juste citer la fameuse chanson Berrouaghia qui raconte les conditions de détention des militants de la cause berbère dans les geôles du parti unique dans les années 1980.


Ali Ideflawen, bien que le temps a passé, reste fidèle à sa guitare et à la chanson.Il sera à Tizi Ouzou le 11 août afin d'animer un spectacle à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri en compagnie de Boudjemâa Agraw et Larbi Youba.Mais ce n'est pas tout, puisqu'il nous a déclaré qu'il est en train d'apporter les dernières retouches à un nouvel album qui est pratiquement prêt et qui sortira bientôt.


La nouveauté de Ali Ideflawaen est constituée de huit chansons. L'artiste engagé nous a expliqué que sa sortie est une question de quelques semaines.

MATOUB LOUNÈS : C'est le treizième sur le Rebelle



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C'est le treizième sur le Rebelle


Par Aomar MOHELLEBI - Dimanche 16 Octobre 2011 -

Jamais aucun autre artiste ou poète algérien n'a fait l'objet d'autant de livres comme c'est le cas de Matoub Lounès. Depuis son assassinat, les ouvrages ayant pour thème sa vie, son oeuvre et son combat ne cessent de foisonner.

Matoub Lounès est devenu une source d'inspiration intarissable pour les écrivains et autres chercheurs ainsi que pour les poètes. Avec la sortie du livre de Abdelhafid Chenane, D'agellid, le nombre d'ouvrages écrits et publiés sur Matoub Lounès a atteint treize, et ce, depuis 1995, date de la parution de sa propre autobiographie, Rebelle, publiée aux éditions Stock de Paris.

L'ouvrage en question a été écrit par Matoub Lounès en collaboration avec Véronique Tavaux, ancienne journaliste à la chaîne de télévision française France 2.Matoub, qui venait de sortir de quinze jours de captivité chez les groupes armés, narre dans son livre sa vie tumultueuse et par ricochet l'histoire de son pays l'Algérie et de sa région la Kabylie, à commencer par la barbarie du colonialisme français à celle du terrorisme des années quatre-vingt-dix.

Après son assassinat en 1998, plusieurs autres livres de très bonne qualité ont vu le jour. Il y a eu d'abord, l'excellente biographie réalisée par l'écrivain-poète Abderrahmane Lounès, intitulée Le barde flingué.

Ce livre a été publié une première fois en 1999 avec le pseudonyme de l'auteur Alioui Liassine. Mais devant le succès arraché en librairie, l'ouvrage a été réédité après avoir subi quelques réaménagements de la part de l'auteur. Abderrahmane Lounès a aussi publié un livre d'entretiens avec Matoub Lounès intitulé Le testament.

L'ouvrage, édité également à deux reprises, se lit d'une traite car aux questions percutantes posées par Abderahmane Lounès, Matoub se livre à coeur ouvert et avec la sincérité qui était la sienne.D'autres livres se sont succédé par la suite et ayant tous pour thème la vie, l'oeuvre et l'assassinat de Matoub Lounès.

On peut ainsi citer Matoub, mon frère, écrit par sa soeur Malika en collaboration avec le romancier Nouredine Saadi et publié aux Editions Albin Michel de Paris. Puis Pour l'amour d'un Rebelle, écrit par sa veuve Nadia en collaboration avec la journaliste du quotidien français Libération José Garçon et également publié en France.

Par la suite, les Editions Casbah ont publié un autre livre sur l'assassinat de Matoub coécrit par Djafar Benmesbah et Nourredine Aït Hamouda.Le journaliste Rachid Mokhtari a, à son tour, écrit et publié un livre sur une tranche de la vie de Matoub Lounès passée dans les villes de Bordj Menaïel et aux Issers, à l'époque où Matoub était adolescent mais aussi lorsqu'il faisait ses premiers pas dans la chanson.

Un sociologue d'origine algérienne vivant en France a aussi été passionné par la poésie de Matoub Lounès à laquelle il a consacré un livre. Il s'agit de Smaïl Grim, qui a publié L'assoiffé d'Azur en 2010.Mohamed Gaya a publié la première biographie de Matoub Lounès en tamazight, intitulée Anazbay (le résistant).

Enfin, Rachida Fitas, qui prépare actuellement une thèse de magister sur la poésie de Matoub Lounès au département de langue et culture amazighes de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou a publié un recueil de tous les poèmes du Rebelle en deux tomes. Des poèmes qui ont été traduits par Youcef Merahi, Hamid Bilek et Abdennour Hadj Saïd, tous des cadres au Haut Commissariat à l'amazighité.

D'AGELLID DE ABDELHAFID CHENANE


Nouveau livre sur Matoub Lounès

Il s'agit d'un montage poétique constitué de soixante-dix-huit pièces, toutes dédiées au barde kabyle.

Pour rendre hommage à un grand poète, y a-t-il mieux qu'un ouvrage de poésie? Sans doute non. Abdelhafid Chenane, poète de la région d'Aït Khelili, près de Mekla, dans la wilaya de Tizi Ouzou, vient d'éditer son troisième livre. Il s'agit d'un montage poétique constitué de soixante-dix-huit pièces, toutes dédiées à Matoub Lounès, aussi bien le poète, l'artiste que le militant.Abdelhafid Chenane a écrit D'agellid, une série de poèmes, avec ses tripes.

Il lui est arrivé à plus d'une reprise d'avoir les larmes aux yeux en les composant comme il lui est arrivé également, en écoutant certaines chansons de Matoub à l'instar de la chanson fleuve Tarwa Lhif ou de l'hymne au vrai amour Nezga nesutur du zman.

Pour rédiger les soixante-dix-huit poèmes dédiés à Matoub, Abdelhafid Chenane a donné libre cours à son imagination fertile en mettant en scène des dialogues fictifs entre le Rebelle, lui, les membres de sa famille et les fanatiques auxquels le combat et les idées de Matoub n'ont jamais été du goût.Quand on ouvre le livre, on lit d'abord, la dédicace qu'en fait Abdelhafid Chenane: à Lounès Matoub, l'artiste, le poète, le ciseleur de mots, au penseur et au critique de la société. Puis à Massinissa Guermah, lycéen. Et à tous les militants des causes justes qui ne sont plus de ce monde.Parmi les personnes que tient à remercier Abdelhafid Chenane, on peut citer Bba Hcen Sahraoui, qui était un ami très proche de Matoub Lounès, vivant à Mekla dans la wilaya de Tizi Ouzou.La sortie de ce nouveau livre sur Matoub Lounès a aussi bénéficié du soutien de l'Association Sidi Hend Awanu de Larbâa Nath Irathen.

Le livre de Abdelhafid Chenane a une spécificité qui le distingue des autres ouvrages publiés en Algérie dans le domaine amazigh.L'auteur a en effet, décidé que son livre, de A à Z, soit écrit entièrement en tamazight. Aucun mot n'est transcrit en français ou en arabe. Même les dates qu'on peut trouver dans cet ouvrage sont celles du calendrier berbère, à commencer par celles de la naissance et de l'assassinat de Matoub Lounès: 2906-2948. Afin de permettre une meilleure transcription des caractères amazighs, Abdennebi Mohand Ou Ramdane a prêté main forte à Abdelhafid Chenane.

C'est pourquoi, en lisant le livre de Abdelhafid Chenane, on peut apprécier avec délectation la richesse linguistique de tamazight. Mais aussi la richesse lexicale qu'emploie Abdelhafid Chenane dans ses poèmes. Une richesse lexicale qui n'est pas sans rappeler celle qu'on retrouve dans les poèmes de Matoub Lounès.Comment Abdelhafid Chenane, qui est un autodidacte a-t-il pu faire preuve d'une maitrise si importante du lexique kabyle? Son histoire ressemble un peu à celle de Matoub Lounès.Il s'agit, explique Abdelhafid Chenane, d'un héritage familial tout court. Abdelhafid Chenane et sa famille manient tous la langue de Jugurtha à la perfection.«Quand on discute en famille, nos échanges sont souvent émaillés de proverbes, de citations et de mots en kabyle qui sont aujourd'hui rarement utilisés par le commun des citoyens», explique notre interlocuteur.C'est donc à la fois un plaisir et une douleur que de lire les poèmes qu'offre Abdelhafid Chenane dans son livre D'agellid (C'est un Roi) sur Matoub Lounès.

Un plaisir car on découvre à quel point la langue kabyle peut être attractive et émouvante. Mais aussi une affliction car les textes en question font rappeler des moments douloureux vécus par toute la communauté kabyle au lendemain de l'assassinat de Matoub Lounès le 25 juin 1998.Mais le livre peut aussi constituer une sorte de thérapie et d'exutoire car en ressassant des souvenirs indélébiles, ces poèmes permettent aussi de voir éclore un certain soulagement.A travers Matoub Lounès, Abdelhafid Chenane évoque également d'autres militants de la cause berbère à l'instar de Mouloud Mammeri qui est le deuxième pilier dans la prise de conscience collective par rapport à l'irréversibilité du fait amazigh de notre Algérie profonde.Un peu comme Matoub Lounès dans Regard sur l'histoire d'un pays damné, Abdelhafid revisite l'histoire contemporaine de l'Algérie à travers des images poétiques variées.Plusieurs événements importants, dont Matoub Lounès a été témoin, sont reconstitués avec une verve poétique innocente mais réelle et sincère que Abdelhafid Chenane a su transformer en livre.

Par Aomar MOHELLEBI - Dimanche 16 Octobre 2011