Le SOS d'un producteur
Par Jeudi 03 Mai 2012 - Lu 431 fois
«On se trouve aujourd'hui, devant une impasse de taille», révèle notre interlocuteur qui ne comprend pas les raisons de ce silence ou indifférence du ministère de la Culture.
Ceci est une affaire dont la ministre de la Culture devrait s'enquérir et y répondre. A force de frapper à toutes les portes. Voilà, un jeune producteur algérien qui, de guerre lasse, décide de lancer une nouvelle bouteille à la mer dans l'espoir qu'elle arrive enfin à bon port. Les faits: Thala Prod est une société de production lancée en 2010 avec le défi de donner la chance à des jeunes réalisateurs quasi inconnus pour la plupart, de se faire produire, sachant que le marché pour le court métrage est presque inexistant et surtout l'aide octroyée à ces films n'est pas très soutenue, à quelques exceptions près. Thala Films a donc été créée avec cette volonté farouche d'aider notre cinéma à se construire sans aucune prétention si ce n'est de croire en la devise: quand on veut, on peut, ne ce serait-ce qu'avec de petits moyens, un petit budget, le reste basé sur l'adage «l'union fait la force».Aussi, un concours naîtra, placé sous le thème «Alger demain». «Comme le ministère nous a bien fait comprendre qu'il ne pouvait donner de l'argent pour 8 projets appartenant à la même production et voyant que cela prendrait au minimum 6 mois pour obtenir une réponse, nous avons compris qu'il ne saisissait pas notre intention de permettre aux jeunes cinéastes en herbe de s'exercer de manière concrète derrière la caméra. Voilà pourquoi nous avons décidé de faire sans eux. Le but pour nous à travers ce projet, était de donner l'exemple à la jeune génération et à la moins jeune, leur dire que le cinéma n'est pas qu'une question de moyens mais tout d'abord de volonté, de passion et de sincérité», explique Yacine Bouaziz, le producteur de Thala Films, dans une lettre adressée à la presse. Aujourd'hui, Yacine Bouaziz et ses membres ne comprennent pas trop ce statu quo, pis, ce silence qui s'apparente à du mépris et tente de saisir la ministre de la Culture pour se faire entendre et avoir gain de cause. Une cause qu'il défend bec et ongles, somme toute légitime, pour l'obtention d'un visa d'exploitation de leurs films, partant de leur soutien indéfectible et leur foi en ces jeunes créateurs qui ne demandent qu'à être écoutés et pris au sérieux. Dû au manque de budget, au final, ce ne sont pas 8 mais 5 courts métrages qui ont abouti. C'est en mars dernier qu'a eu lieu l'avant-première.
Le Fdatic tranche à ce moment. «Pour nous dire qu'il ne nous donnerait rien étant donné que les films ont été faits». Ces films sont Un Homme Face Miroir de Zakaria Saidani, Un Jour à Alger de Raouf Bénia, Procrastination d'Etienne Kaleb et Demain, Alger? de Amin Sidi Boumedienne. Seul ce dernier a obtenu son visa d'exploitation... Demain, Alger? a remporté le 1er Prix aux Journées cinématographique d'Alger ainsi qu'une récompense octroyée pour la première fois de la meilleure production du Monde arabe au Abu Dhabi Short Film Festival.
«Sa sélection au festival de Clermont-Ferrand et sa prochaine diffusion sur Arte sont autant de succès qui confirment que le cinéma n'est pas qu'une question de moyens mais tout d'abord, de volonté, de passion et de sincérité», soutient encore le producteur qui révèle se trouver aujourd'hui, devant une impasse de taille. Pourquoi refuse-t-on ainsi d'accorder à ces jeunes cinéastes ce visa d'exploitation qui devrait être une simple formalité dans n'importe quel pays qui se respecte? Et osons cette question: en quoi ces films seraient- ils une atteinte à l'intégrité de la nation si c'est le cas? La langue française? Yacine Bouaziz s'en défend très bien en effet, et répond à ces accusations fallacieuses en apportant les justificatifs en bonne et due forme étant même prêt à doubler les dialogues de tous ces films si le problème était la langue. Mais en sommes-nous encore là en 2012? «Il n'y a que Un Homme Face Miroir qui est en français. C'est tout à fait justifié étant donné que le personnage principal est dans une sorte de rêve où tout le monde parle en français et que lorsque celui-ci revient à la réalité, Bahia Rachedi, son médecin, s'adresse à lui dans un arabe parfait; c'était justement pour Zakaria une critique un peu maladroitement construite pour dire que nous vivons dans une schizophrénie de la langue justement». Un argument ici qui ne tient donc pas la route... Pour rappel, beaucoup d'artistes et d'intellectuels s'étaient joints bénévolement et de façon spontanée à ce projet «Demain, Alger?», preuve de leur engagement envers le cinéma, conscients qu'il faut absolument soutenir et encourager ces jeunes artistes en herbe. Des énergies qui aujourd'hui se voient freiner dans leur élan, ne savant à quel porte encore frapper et à qui s'adresser pour quémander un droit des plus élémentaires, montrer leurs films aux spectateurs algériens dans le peu de salles dont dispose notre pays. Mais ceci est une autre paire de manches.
Ayant gros sur le coeur, Yacine Bouaziz témoigne: «Le ministère nous dit qu'il a perdu notre dossier. Nous le leur avons donné encore une fois. Ensuite, le ministère nous dit que notre dossier était mal organisé et qu'il fallait déposer un dossier par film. Ce que nous avons bien entendu fait. Et puis plus rien pendant une longue période. Nos films devaient attendre que la fameuse commission les visionne... Au final, il y a une semaine, après plus d'un an de galère, le ministère nous dit que la commission a visionné les films et qu'il n'y a pas de PV». «Aberrant! Si la chef de cabinet Zehira Yahi les a reçus il y a un an, devant un Ahmed Bejaoui!»
Pas du tout en phase avec notre langage artistique», révèle Yacine Bouaziz, et que Mme Bencheikh aurait toujours refusé de les recevoir dans son bureau, que faut-il faire maintenant? Et le producteur de se demander, enfin, la mort dans l'âme, «si la culture algérienne est la propriété du ministère de la Culture? Et en tant que producteur, le ministère de la Culture fait-il la promotion de la culture algérienne ou bien fait-il la promotion du ministère de la Culture?» A Khalida Toumi d y répondre...